La réélection du gouvernement travailliste du Premier ministre Anthony Albanese marque une période de stabilité et de continuité politique pour le programme antarctique australien (AAP). Les principaux portefeuilles ministériels supervisant les affaires antarctiques restant inchangés – notamment celui de la ministre responsable Tanya Plibersek – l’orientation stratégique définie au cours du premier mandat du parti travailliste devrait être maintenue.
Cette continuité est étayée par des engagements financiers importants pris depuis 2022. Le gouvernement souligne que plus de 1,4 milliard de dollars australiens de nouveaux fonds ont été alloués à des projets majeurs. Il s’agit notamment d’un montant substantiel de 371,1 millions de dollars australiens répartis sur neuf ans pour reconstruire la station de recherche de l’île Macquarie après les dommages subis en 2022, afin d’assurer une présence continue tout au long de l’année.
Le brise-glace australien RSV Nuyina bénéficie également d’un financement récent. Une allocation de 109,6 millions de dollars australiens sur trois ans soutient ses opérations, y compris les fonds d’urgence. Pour la communauté scientifique, un montant supplémentaire de 17,6 millions de dollars australiens sur deux ans permettra d’augmenter le nombre de jours de mer opérationnels du Nuyina d’environ 60 jours par an, ce qui permettra d’effectuer des voyages dédiés aux sciences marines, comme la campagne en cours sur le glacier Denman. En outre, un investissement fédéral historique de 188 millions de dollars australiens fera du Macquarie Wharf 6 de Hobart le port d’attache du navire pour les 30 prochaines années, levant ainsi une incertitude logistique majeure.
Malgré ces investissements importants, les débats sur le financement de la Division antarctique australienne (AAD) persistent. Une récente enquête sénatoriale a mis en lumière les inquiétudes concernant la transparence et la stabilité du budget opérationnel annuel de l’AAD. Alors que le gouvernement souligne l’augmentation de l’investissement global grâce aux projets d’investissement, les parties prenantes restent préoccupées par les vulnérabilités structurelles potentielles où le financement de la science pourrait être dépourvu de priorité par rapport aux exigences logistiques. L’absence d’une ligne budgétaire spécifique et protégée pour la science reste un point de discorde.
Les priorités en matière de recherche restent axées sur des initiatives de premier plan dans le domaine de la science du climat. L’ambitieux projet « Million Year Ice Core » (carottes de glace d’un million d’années) se poursuit et vise à récupérer de la glace ancienne pour comprendre les cycles climatiques passés. Les campagnes à multiples facettes sur le glacier Denman, qui étudient l’un des glaciers de l’Antarctique de l’Est qui se régénère le plus rapidement, sont également essentielles, soutenues par l’augmentation du nombre de jours de mer du Nuyina pour son premier voyage dédié à la science marine sur le front du glacier.
En matière d’infrastructures, l’accent reste mis sur la reconstruction de l’île Macquarie et sur l’optimisation des capacités du RSV Nuyina. Le projet controversé de l’aérodrome de Davis, annulé en 2021 en raison d’évaluations environnementales et économiques, ne montre aucun signe de reprise sous le gouvernement actuel. L’approche stratégique semble axée sur le renforcement de la présence par la mise à niveau des stations existantes et des actifs mobiles tels que Nuyina et les systèmes de traversée, plutôt que sur de grandes infrastructures fixes.
Sur le plan géopolitique, l’Australie continue de naviguer dans un environnement complexe. Sa politique déclarée met l’accent sur le respect du système du traité sur l’Antarctique (ATS), le leadership scientifique et la gestion de l’environnement. Cette approche, qui met l’accent sur la science en tant que « monnaie d’influence » et sur le maintien du statut de l’Antarctique en tant que zone de paix, contraste avec les préoccupations soulevées par les activités d’autres nations. Les analystes soulignent l’expansion rapide de la présence chinoise dans l’Antarctique, y compris les capacités potentielles à double usage, et les activités russes, telles que l’exploration des hydrocarbures, qui remettent en question l’adhésion aux principes du SEA. Si l’Australie maintient des alliances solides, en particulier avec les États-Unis, malgré toute la rhétorique de ces derniers mois, l’évolution de la dynamique nécessite un large engagement diplomatique dans le cadre du SEA. Il s’agit de maintenir l’influence et de garantir l’intégrité du système des traités. Certains, y compris les médias d’État chinois, ont interprété l’importante augmentation du financement annoncée en 2022, qui renforce les capacités logistiques et de surveillance, comme visant en partie à renforcer le rôle de chef de file et les intérêts stratégiques de l’Australie dans l’Antarctique de l’Est, dans ce paysage en pleine mutation. La stratégie australienne semble axée sur le renforcement de la présence grâce à des capacités adaptables et axées sur la science, plutôt que sur des infrastructures à grande échelle potentiellement provocatrices.
Les perspectives du gouvernement travailliste réélu laissent entrevoir une poursuite de l’orientation stratégique et des investissements dans les activités antarctiques de l’Australie. Toutefois, la résolution des problèmes sous-jacents liés à la stabilité du financement opérationnel, à la protection structurelle des budgets scientifiques et aux contraintes logistiques posées par la dépendance à l’égard d’un seul brise-glace sera cruciale pour l’efficacité à long terme de l’AAP et le maintien du rôle de chef de file de l’Australie sur le continent.