Le développement de l’Arctique vu par les Russes

par Camille Lin
05/16/2025

Une étude réalisée par Arctida sonde l’opinion du peuple russe au sujet des projets façonnés par le Kremlin en Arctique. Environnement, défense et minier… voici des réponses en quelques chiffres.

Le 2 avril dernier, l’ONG Arctida a publié les résultats d’un sondage qu’elle a mené en Russie par téléphone. Les enquêteurs ont pu joindre 1 600 répondants pour les interroger sur le développement de l’Arctique.

Trois intentions se sont distinguées à l’issue du décompte des opinions :

  • 86 % des Russes seraient en faveur de la réduction de l’impact environnemental en Arctique.
  • 79 % des consultés estiment que l’Arctique est un territoire de coopération avec d’autres nations.
  • 68 % des répondants estiment qu’il faut extraire les ressources minières de l’Arctique.

Ces trois résultats dépassent les 66 % et pourraient être considérés comme un consensus décisionnel.

Rappelons que le 27 mars, le président de la Russie a prononcé un discours au Forum arctique de Mourmansk, au cours duquel il a réitéré sa vision du développement du nord de la Russie, cherchant a attirer les investisseurs étrangers. Le secteur minier, la logistique et la défense ont eu la part belle, contrairement à l’environnement ou aux droits des sociétés autochtones.

Vladimir Poutine a pris la parole lors d’une session plénière du 6e Forum international de l’Arctique à Mourmansk, le 27 mars. Photo : Alexander Zholobov Roscongress

Au fond, qu’en pensent les Russes ? C’est en substance la question à laquelle Arctida cherche des réponses.

Ecologistes, enthousiastes ou profanes ?

« L’enquête révèle que les gens soutiennent souvent des idées contradictoires : ils sont favorables à la minimisation de l’impact sur l’environnement tout en approuvant les activités minières. Cette contradiction peut s’expliquer de plusieurs façons. Au-delà des facteurs méthodologiques, elle reflète probablement un manque général de compréhension de la part du public sur la façon dont les différentes activités sont interconnectées dans l’Arctique », expose Nail Farkhatdinov, sociologue et analyste chez Arctida, à polarjournal.net.

D’autre part, Ilya Dorkhanov, un sociologue russe de l’ONG Russian Field, estime que : « le fait que ces positions puissent se contredire ne semble pas avoir beaucoup d’importance. Tout d’abord, le biais d’accord pousse les gens à être d’accord avec chaque déclaration individuellement parce qu’elles semblent généralement positives. Deuxièmement, l’expression « pourraient se contredire » ne signifie pas nécessairement qu’elles se contredisent effectivement : par exemple, l’extraction du pétrole pourrait en théorie être effectuée avec toutes les garanties environnementales. »

Complexe gazier Yamal LNG. Image : Novatek

Peu connaisseurs de ces sujets ou en faveur d’une extraction propre et durable, telle est la question.

« Les personnes interrogées qui n’ont pas une connaissance approfondie des questions arctiques ont tendance à être quelque peu idéalistes et optimistes, soutenant toutes les idées qui semblent bonnes et espérant qu’elles pourront être mises en œuvre de manière harmonieuse », explique également Ilya Dorkhanov.

Avec qui collaborer ?

L’autre aspect politiquement significatif est le développement de la coopération dans l’Arctique. Mais quand il s’agit de savoir avec qui coopérer, l’opinion semble divisée : les pays des BRICS, les pays arctiques ou d’autres partenaires ? Les avis sont divers. Pour la Chine, l’opinion est déjà plus claire avec plus de 60 % des réponses en faveur.

L’opinion publique russe semble également divergeante quant à la géopolitique. Certains pensent que l’OTAN est une menace, quand d’autres estiment que l’Arctique est un territoire de stabilité, de dialogue et de coopération.

« En ce qui concerne les groupes de répondants ayant des opinions divergentes, je devrais revoir les données brutes pour une analyse plus détaillée. Toutefois, je peux confirmer qu’il existe une corrélation entre le soutien à l’opération militaire spéciale (l’étiquette utilisée pour désigner l’invasion russe) et le soutien aux activités d’extraction et d’exploitation minière. Il y a également de faibles signes de polarisation sur cette question, ce qui suggère que ce lien pourrait être significatif », nous explique Nail Farkhatdinov.

Ce groupe de soutien du conflit ukrainien est très probablement sensible à la présence de l’OTAN, il suivrait donc la ligne du discours de Mourmansk prononcé par Vladimir Poutine.