L’Arctique, royaume des mers gelées et des défis uniques, exige souvent de puissants brise-glaces pour tracer des voies, mais de manière délicate et lente. Alors que le Royaume du Danemark, avec le Groenland en position de leader, succède à la Norvège à la tête du Conseil de l’Arctique, il est confronté à un paysage géopolitique si gelé que sa tâche principale sera d’agir comme un puissant brise-glace diplomatique.
Alors que le Danemark prévoit de nouveaux navires capables de naviguer dans l’Arctique et explore des capacités de brise-glace partagées, l’impératif immédiat est de naviguer dans le profond refroidissement des relations avec la Russie – une nation avec laquelle Copenhague pourrait avoir moins de lignes de communication spécifiques à l’Arctique que son prédécesseur norvégien – et de gérer les intérêts stratégiques complexes des États-Unis, en particulier en ce qui concerne le Groenland.
Cette gestion ambitieuse a été soulignée lorsque la ministre des affaires étrangères du Groenland, Vivian Motzfeldt, a joué un rôle central dans la passation de la présidence du Conseil de l’Arctique. Elle a clairement exprimé l’ambition centrale de la présidence : « œuvrer pour que le Nord reste une région de stabilité et de coopération constructive ». Le Royaume du Danemark a défini cinq grandes priorités : mettre l’accent sur les peuples autochtones et leurs communautés, promouvoir un développement économique durable parallèlement à une transition énergétique, sauvegarder les océans, lutter contre le changement climatique et préserver la biodiversité. L’accent sera mis sur « l’intégration des connaissances autochtones et de la science occidentale dans tous les aspects du travail du Conseil de l’Arctique », comme cela a été déclaré lors de la transition. La présidence coïncide également avec le 30e anniversaire du Conseil de l’Arctique en 2026, une occasion soulignée de « réfléchir à son rôle et de le renforcer ».
Cependant, les eaux diplomatiques sont périlleuses. La principale perturbation découle de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, qui a conduit les pays de l’Arctique occidental à suspendre en grande partie leur coopération avec Moscou. Cela a entraîné une pause significative dans de nombreuses activités du Conseil conjoint et la Russie a ensuite retiré ses contributions financières au budget du Conseil. Si certains groupes de travail d’experts ont prudemment repris leurs activités en 2024, permettant la poursuite de la collaboration scientifique, la coopération politique plus large reste considérablement limitée. Les analystes notent que si la Norvège a réussi à maintenir certains canaux de communication minimaux avec la Russie sur les questions arctiques, cette approche pourrait s’avérer plus difficile pour le Danemark, compte tenu d’une histoire différente en matière d’engagement bilatéral dans l’Arctique.
Les intérêts stratégiques des États-Unis dans l’Arctique ajoutent encore à la complexité de la situation. L’actuelle administration américaine a ouvertement discuté de l’importance géopolitique du Groenland, a émis des menaces et des critiques massives à l’encontre du Danemark et de sa gestion du sujet. La ministre Motzfeldt a abordé cette question en déclarant qu’en matière de sécurité, « Nuuk et Washington sont alignés » et a clarifié la position du Groenland en soulignant que si les Groenlandais « ne veulent pas être Danois, ils ne veulent pas non plus être Américains ». Elle a également souligné l’engagement du Groenland à coopérer avec l’administration américaine actuelle sur les responsabilités partagées en matière de sécurité. Néanmoins, le potentiel d’évolution de la politique arctique des États-Unis, notamment en ce qui concerne le changement climatique et les affaires indigènes – des priorités essentielles pour la présidence danoise et groenlandaise – reste un facteur dynamique.
Malgré ces formidables défis, le Conseil de l’Arctique continue d’être considéré par ses membres comme une plateforme de dialogue indispensable, bien qu’éprouvée. Alors que le Danemark et le Groenland dirigent le Conseil, leur leadership sera crucial pour favoriser la résilience et maintenir les canaux de communication. L’importance qu’ils accordent au « dialogue, à la coopération et au respect », « essentiels à la paix, à la sécurité et à la stabilité à long terme dans l’Arctique », sera primordiale lorsqu’ils s’efforceront de briser la glace géopolitique à laquelle est confronté le Grand Nord.