Rétrospective polaire – Une route vers l’est du Groenland, des baleines boréales qui perdent leur habitat glacé et des croisières menées par des Inuit

par Polar Journal AG Team
05/26/2025

La rétrospective polaire de cette semaine s'intéresse à la trajectoire de l « équipage du Moscatel vers l'Islande et le Scoresby Sound, à de nouvelles recherches mettant en garde contre la disparition de l'habitat d » été des baleines boréales et aux croisières menées par des Inuit au Nunavut.

La rétrospective polaire se penche sur des histoires récentes concernant les régions polaires du monde. Cette semaine, nous nous intéressons à l’équipage du Moscatel qui a mis le cap sur l’Islande et le détroit de Scoresby, aux nouvelles recherches qui mettent en garde contre la disparition de l’habitat estival des baleines boréales et aux croisières menées par des Inuits au Nunavut.

La rétrospective polaire est un effort de collaboration de l’équipe éditoriale de polarjournal.net. Chaque rédacteur choisit un sujet qu’il a trouvé intéressant et important au cours de la semaine écoulée. Les initiales à la fin de chaque section indiquent l’auteur.

Un voilier en aluminium de 10 mètres de long choisit l’est du Groenland plutôt que l’ouest comme destination de navigation.

Niels Gins travaille à la gestion de la pêche à la légine dans l’océan Austral, à bord de palangriers, mais il a choisi d’économiser de l’argent et d’utiliser son voilier personnel pour se rendre à l’est du Groenland. Image : Camille Lin

Par 20°C, sur l’une des pointes de l’Europe occidentale, pointant vers l’océan Atlantique, le port de Camaret-sur-Mer est un petit abri où nous avons rencontré la semaine dernière des aventuriers en route pour l’est du Groenland. A bord d’un voilier de 10 mètres, le Moscatel, ils vont photographier les fonds sous-marins du littoral.

« Il porte le nom d’un vin – pas très bon, je dois l’avouer – mais en fait, le modèle est une Romanée, dessinée par Philippe Harlé dans les années 70. Et d’ailleurs, c’est aussi le nom d’un excellent vin », explique Niels Gins, le skipper, qui est également contrôleur des pêches à la préfecture des Terres australes françaises.

Il a dépensé une partie de ses économies pour réaménager le voilier en aluminium au cours des dix dernières années, en travaillant à l’isolation des murs, à l’installation d’un chauffage, du réseau électrique… et de la cagnotte du bateau.

Une société horlogère suisse, Edox, lui a offert 2 000 euros et un modèle de montre-bracelet de yachting pour qu’il prenne des photos lors de son voyage dans le système de fjords de Scoresby Sound, à l’est du Groenland. Il a donc mis en place un système de radar pour détecter la glace.

Avec deux autres plongeurs et Céline Chevobbe, ancienne médecin des Terres australes françaises et le camping-car Marion Dufresne, il naviguera lentement mais sûrement vers l’Islande et attendra une fenêtre météo pour traverser vers l’est du Groenland.

« Sincèrement, il vaut mieux essayer l’Est. La navigation est plus courte entre les îles d’Irlande, d’Ecosse, d’Islande et le Groenland. Pour atteindre l’ouest du Groenland, il faut compter environ 10 jours de mer, et avec une connaissance limitée de l’environnement, de ce bateau et un nouvel équipage, il vaut mieux avancer à petits pas », explique-t-il.

Niels Gins veut attendre en Islande, où les skippers qui ont passé les dix dernières années à traverser le détroit du Danemark attendent également le bon moment.

« Et si ce n’est pas possible parce qu’il y a trop de glace, nous aurons déjà visité de beaux endroits », ajoute-t-il en pensant à des expériences personnelles plutôt qu’à des exploits. « Je préfère parler de beau voyage, comme une randonnée en montagne plutôt qu’une expédition. » C.L.

Le changement climatique menace l’habitat de la baleine boréale

Les baleines boréales dépendent de la glace de mer estivale comme habitat de recherche de nourriture. Photo : Heiner Kubny

Une nouvelle étude internationale dessine un avenir sombre pour l’un des mammifères marins les plus emblématiques de l’Arctique : la baleine boréale. En retraçant 11 700 ans d’histoire écologique, des chercheurs de l’Université d’Adélaïde et de l’Université de Copenhague ont révélé que le changement climatique pourrait faire disparaître jusqu’à 75 % des zones d’alimentation estivale des baleines d’ici la fin du siècle.

En combinant les preuves fossiles, les registres historiques de chasse à la baleine et la modélisation informatique, l’équipe a reconstitué une image détaillée de la stabilité de l’habitat des baleines boréales au cours de l’Holocène. Fait remarquable, les aires d’alimentation couvertes de glace qu’elles préfèrent sont restées inchangées pendant des millénaires – jusqu’à aujourd’hui. La dépendance de longue date des baleines à l’égard de la glace de mer estivale devient une vulnérabilité, car le réchauffement des températures réduit rapidement leur habitat essentiel.

Dans la mer d’Okhotsk, qui abrite l’une des quatre seules populations de baleines boréales, l’habitat estival approprié pourrait disparaître complètement d’ici à 2060. « Depuis des millénaires, les baleines boréales préfèrent se nourrir sur la glace de mer », explique Nicholas Freymueller, auteur principal de l’étude, dans un communiqué de presse. « Cependant, la glace de mer arctique a diminué de manière significative au cours des dernières décennies, et ce phénomène devrait s’accélérer dans les décennies à venir, entraînant la disparition des habitats où les baleines boréales se rassemblent actuellement en grand nombre. »

L’étude met également en garde contre le fait que les quelques parcelles d’habitat viable qui devraient subsister en 2100 se situeront en dehors de l’aire de répartition actuelle des baleines, ce qui compliquera les stratégies de conservation. Les baleines boréales, qui se remettent déjà lentement de siècles de chasse commerciale, sont aujourd’hui confrontées à une nouvelle menace existentielle.

L’auteur principal, Damien Fordham, souligne l’importance du contexte historique : « En utilisant des modèles écologiques et des paléo-archives pour reconstituer la répartition des baleines boréales avant la chasse, nous avons pu mieux comprendre les préférences en matière d’habitat de cette espèce qui a failli être chassée jusqu’à l’extinction. »

Publié dans Ecology and Evolution, l’étude souligne un message plus large : il est essentiel de comprendre le passé pour protéger la faune et la flore arctiques des effets de plus en plus marqués du changement climatique. J.H.

HX Expeditions innove avec un tourisme arctique dirigé par les Inuit

Avoir l’opportunité de visiter Pond Inlet dans le cadre d’excursions dirigées par des Inuit ? HX Expeditions offrira cet été de telles opportunités à de petits groupes. Image : Michael Wenger

La compagnie norvégienne HX Expeditions a annoncé un partenariat inédit avec plusieurs communautés inuit du Nunavut pour lancer un programme d’excursions communautaires dans l’Arctique canadien, une première à cette échelle pour l’industrie mondiale de la croisière.

Le programme, qui débutera à l’été 2025, a été co-développé avec des Aînés inuit, des résidents et du personnel local. Il sera intégré aux croisières de 25 jours de HX à travers le mythique Passage du Nord-Ouest, à bord de ses navires hybrides, le MS Fridtjof Nansen et le MS Roald Amundsen.

À Gjøa Haven, Pond Inlet et Cambridge Bay, les voyageurs seront invités à découvrir la culture inuit à travers des randonnées contées, des ateliers d’art, la pêche traditionnelle à l’omble chevalier, ou encore des rencontres avec des Aînés. Les groupes seront volontairement restreints à 10–12 personnes, afin de favoriser des échanges ‘authentiques’, selon le communiqué de presse publié par la compagnie de croisière le 19 mai dernier.

Fait notable, HX ne percevra aucun revenu de ces excursions. L’intégralité des recettes, soit de 50 à 425 dollars canadiens (de 30 à 270 euros ) par activité, sera reversée aux habitants et entreprises locales, dans un objectif de développement économique durable et d’autonomie communautaire.

« Ce type de collaboration est exactement ce dont le tourisme arctique a besoin. », souligne Mariah Erkloo, planificatrice de produits chez HX et originaire de Pond Inlet, dans le Nunavut canadien. « C’est encourageant de le voir émerger de manière à placer les voix et les priorités inuites au centre. Si ce modèle continue de croître avec soin, il enrichira l’expérience tant pour les habitants que pour les visiteurs. »

Alors que le tourisme dans le Nord soulève de plus en plus de questions éthiques et environnementales, HX mise sur un modèle de co-construction, qui pourrait redéfinir l’avenir du voyage en territoire autochtone. M.B.