Le changement climatique met les oiseaux migrateurs de l’Arctique sous pression temporelle

par Heiner Kubny
12/04/2025

Les oiseaux migrateurs, comme la bernache nonnette, ont de plus en plus de difficultés à gérer leur calendrier. (Photo: Heiner Kubny)

Le changement climatique modifie le rythme de la nature, un phénomène particulièrement visible en Arctique. Dans cette région, le printemps commence désormais bien plus tôt qu’il y a quelques décennies. Pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs qui nichent dans les hautes latitudes, les conséquences sont considérables. Elles doivent accélérer de plus en plus leur migration pour arriver à temps sur leurs sites de reproduction.

Migrations printanières et données de suivi de cinq espèces d’oiseaux d’eau nichant en Arctique. (Crédit: Nature Climate)

Une équipe de recherche néerlando-danoise a découvert que cette adaptation devient de plus en plus difficile pour de nombreuses espèces. Dans une étude publiée dans la revue Nature Climate Change et relayée par phys.org, les scientifiques ont analysé plus de 500 migrations printanières documentées de cinq espèces d’oiseaux d’eau arctiques, dont les bernaches à cou ringé et nonnette, les oies rieuses et à bec court ainsi que les cygnes nains. Les chercheurs ont combiné de vastes données de suivi avec des mesures à long terme du poids des animaux dans leurs quartiers d’hiver.

Les résultats dressent un tableau clair: pour arriver plus tôt en Arctique, les oiseaux réduisent à la fois leurs phases d’alimentation avant le départ et leurs haltes migratoires. Ce rythme accéléré leur a jusqu’ici permis de suivre l’avancée du printemps, mais leur marge de manœuvre se réduit.

Des eiders à duvet nicheurs au Svalbard repartent vers le sud en automne. (Photo: Heiner Kubny)

Les chercheurs de l’Université d’Amsterdam et de l’Institut néerlandais d’écologie avertissent que cette stratégie ne sera plus efficace très longtemps. Les analyses des tendances climatiques et des données sur la fonte des neiges indiquent que les oiseaux ne pourront accélérer leur migration que pendant encore 18 à 28 ans. Au-delà, même cette accélération maximale ne suffira plus pour suivre l’évolution des conditions environnementales. D’ici le milieu du siècle, de nombreuses espèces pourraient être contraintes de trouver des solutions radicalement nouvelles, par exemple en déplaçant leurs zones d’hivernage ou en modifiant complètement leurs routes migratoires traditionnelles.

La capacité d’adaptation des animaux atteint déjà aujourd’hui ses limites naturelles. Migrer plus vite signifie moins de temps pour s’alimenter, mais sur les haltes migratoires, la disponibilité d’une nourriture de qualité, une météo favorable et un minimum de perturbations sont essentiels pour reconstituer leurs réserves énergétiques. Si ces conditions ne sont pas réunies, l’état physique des oiseaux se dégrade. Cela pourrait, à long terme, entraîner une baisse du succès reproducteur et une diminution des populations.

L’étude montre clairement que le changement climatique contraint même des espèces très mobiles comme les oiseaux migrateurs à adopter des stratégies d’adaptation de plus en plus risquées. Jusqu’à quand pourront-elles suivre ce rythme? Nul ne le sait, mais il est certain que leurs habitats et leurs stratégies de survie évolueront fortement dans les décennies à venir.

Heiner Kubny, PolarJournal