« Y aurait-il une ignorance des risques liés à l’activité outdoor ? »

par Camille Lin
03/26/2025

L’absence d’une offre d’assurance adaptée aux opérateurs polaires liés à la France est ressentie par les professionnels du secteur qui ont répondu à un sondage de la Chaire Enjeux Polaires.

Clients et guides polaires se relaient pour veiller sur les campements itinérants lors d’excursions dans l’Arctique. Image : Julia Hager

Les avalanches, les ours et les icebergs sont tout aussi beaux que dangereux. Et tout aussi sensibles à l’activité humaine que vulnérables. En travaillant sur la prévention des risques dans l’Arctique, des chercheurs de la Chaire Enjeux Polaires, de l’Université de Bretagne Occidentale, se sont intéressés à la question des assurances auprès d’opérateurs polaires liés à la France.

Selon leur enquête socio-économique, 22 % des répondants ne possèdent pas d’assurance pour couvrir leurs activités en Arctique. Un chiffre qui interpelle aujourd’hui, alors qu’une nouvelle saison est sur le point de s’ouvrir dans le Grand Nord.

« J’entendais souvent parler de problèmes d’accès à une offre adaptée », explique Anne Choquet, enseignante et chercheure en droit, à Polar Journal AG. « Nous avons voulu vérifier si la perception de cette insuffisance était réelle et partagée. »

Bien qu’Anne Choquet et Anna Lannuzel, coautrices de cette pré-étude, invitent davantage de type d’acteurs à répondre au questionnaire, la majorité des répondants de l’étude préliminaire sont des autoentrepreneurs ou de très petites entreprises. Ce profil pourrait correspondre aux sous-traitants auxquels ont recours les tours opérateurs pour encadrer leurs excursions.

En fin de saison, lorsque les conditions sont idéales et que la fatigue se fait sentir, il convient de rester vigilant. Image : Maud Lénée-Corrèze

Il y a deux types d’activités qui se distinguent dans l’Arctique : d’une part, une logistique déployée depuis la terre et, d’autre part, une seconde déployée depuis la mer.

« En terrestre, les compagnies qui font travailler des autoentrepreneurs exigent une responsabilité civile », remarque Eric Bayard, guide de montagne et président du bureau des guides polaires, à Polar Journal AG. « J’ai par exemple souscrit à des assurances pour mon activité en montagne et dans les pôles. Il faut compter entre 600 et 1 000 euros par an, ce n’est pas grand-chose quand on connaît les risques. »

La croisière n’est pas soumise aux mêmes réglementations qu’à terre. « J’ai le sentiment que les employeurs ne sont pas aussi exigeants », explique le guide.

Le rôle du guide est de minimiser les risques sur le terrain en contrôlant l’environnement dans lequel il progresse, autant pour la nature que pour les personnes. « Quand j’ai vu le résultat, je me suis tout de suite dit, ‘mais y aurait-il une ignorance des risques liés à l’activité outdoor ?’ Si l’on n’est pas préparé à faire face à un pépin dans ce type de milieu, on risque gros », remarque le directeur du bureau des guides polaires.

Au Svalbard, de nouvelles réglementations entrent en vigueur cette année. Image : Michael Wenger

Il est déjà arrivé que des ours attaquent un groupe de touristes, et d’autres éventualités peuvent survenir sur la neige, la glace et la banquise. En cas d’accident, qui est responsable ? « Est-ce que l’assurance prend en charge ? Quelle est la responsabilité du guide ? Dans ce genre de milieu, on marche à vue », estime Eric Bayard.

Selon l’étude, la majorité des personnes couvertes le sont en cas d’accidents et de blessures, de rapatriement, de responsabilité civile et de soins médicaux d’urgence, ainsi que pour la perte et les dommages matériels et la garantie décès.

Une minorité seulement dispose d’une garantie invalidité, et sont couverts pour des dommages à l’environnement, le maintien du salaire, l’assistance juridique et les dommages aux véhicules. La majorité des répondants sont d’accord pour dire que l’offre est mal adaptée.

La discussion lancée par la Chaire Enjeux Polaires est une vision à long terme de la prévention des risques, comme par exemple les interactions avec les ours. Dessin : Gisèle Durand Ruiz

« Les acteurs du tourisme polaire n’ont peut-être pas conscience des difficultés que les guides rencontrent pour accéder à une offre d’assurance », estime Anne Choquet. « Selon une autre enquête que nous avons menée, nous estimons qu’il y a 110 guides polaires en France. Il est important de pouvoir discuter avec des assureurs et des réassureurs pour améliorer l’offre. C’est ce que nous proposons avec la Chaire Enjeux Polaires. »

Il est courant que les clients souscrivent à des assurances en cas d’annulation du séjour, mais sont-ils proprement couverts pour les éventualités polaires ? Seize pour cent des répondants estiment que cela n’est pas nécessaire et ne couvrent pas leurs clients.

Parmi les répondants figurent également les responsables de navires d’opportunité qui naviguent pour diverses raisons. Opérant souvent de petites unités, il leur arrive d’encadrer des travaux scientifiques et pourraient faire face aux mêmes questionnements, pour cette autre activité.

Lien vers les premiers résultats de l’études : Choquet, A., Lannuzel, A., 2024, Prévention des risques liés aux activités dans les régions polaires: la place des assurances – Premiers résultats d’une étude préliminaire. HAL.Science.

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