Dix-neuf jours après son départ, l’incendie de l’île d’Amsterdam court toujours. Après la sidération, est venu le moment de l’action.
[Mise à jour du 03/02/2025; 18 heures] – Selon nos sources, la surface de l’île brûlée est aujourd’hui estimée à 43%.
L’île d’Amsterdam, sanctuaire naturel, est en feu depuis plusieurs semaines. Les 31 personnes de la station scientifique Martin-de-Viviès ont été évacuées le 16 janvier dernier, comme nous l’avions rapporté dans nos pages. Dans son dernier communiqué du 29 janvier, la préfecture des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) – qui administre ce territoire et pilote une cellule de crise – estime que « 1 048 hectares ont été brûlés, soit 18 % de la superficie de l’île. » Ce même document annonce le départ d’une frégate de la Marine nationale, vendredi, en direction des terres sinistrées pour un mois de mission. L’administration précise quatre de ses objectifs :
- la surveillance de l’incendie,
- l’état des lieux des infrastructures vitales de l’île,
- la sécurisation de l’équipement,
- la recherche des causes de l’incendie.
Après avoir contacté la porte-parole des TAAF, nous sommes en mesure de dire que quatre sapeurs-pompiers du SDIS de La Réunion sont sur le départ. Le terrain est sec et tourbeux. Les foyers sont nombreux et les ressources en eau faibles. Ils ne transporteront pas de moyens de lutte. Les pompiers veilleront à sécuriser les bâtiments et s’attendent à y trouver des poches de monoxyde de carbone. Les TAAF comptent sur la pluie pour que les feux s’arrêtent, mais les prévisions ne sont pas aux orages. Appuyée par Météo France, la préfecture déplore le temps sec et venteux de ces 10 derniers jours ; cependant, elle annonce une baisse de l’intensité des vents. Les pompiers seront équipés d’un drone thermique pour identifier les points chauds et surveiller les évolutions.
Le personnel des TAAF, qui connaît bien la base, sera déployé autour de trois pôles de compétences : l’eau, l’énergie et les transmissions. En effet, la préfecture déclare que le système de télécommunication a été touché, ainsi que l’installation solaire. Selon l’Amicale des Missions Australes et Polaires Françaises (AMAEPF), le câble principal a brûlé. Cette association a pour vocation d’entretenir la mémoire et le lien entre les différentes missions australes françaises. Son président, Frédéric Martineau, nous explique que « selon les témoignages que nous avons pu recueillir, il y a eu un soulagement lors de l’évacuation face au feu, puis de la tristesse. Certains démarraient tout juste leur hivernage. De la frustration aussi bien sûr. Maintenant, c’est le questionnement, ‘qu’est-ce qui se passera après ?’, et l’envie d’y retourner. »
Des sentiments qui sont partagés par la communauté taafienne sur les réseaux. « La continuité des missions a été cassée », précise le président, une situation encore jamais vécue. Selon l’AMAEPF, cet incendie est le 10e répertorié en 250 ans.
Qu’en est-il des jeunes otaries ?
Cédric Marteau, cofondateur et ancien directeur de la réserve naturelle (celle des TAAF), actuellement directeur à la Ligue de protection des oiseaux, précise toutefois, « qu’il y en a eu deux en trois ans à cause de la sécheresse et du changement climatique. Les falaises d’Entrecasteaux comptent environ 80 % de la population globale d’albatros à bec jaune qui y niche. Sur le plateau des tourbières, les albatros d’Amsterdam sont fragiles : si 5 à 7 adultes sont touchés, l’espèce pourrait disparaître. » Ce dernier s’inquiète également pour les jeunes otaries alors que les adultes ont pu se réfugier dans l’eau. « Nous appelons à un état général de la biodiversité auquel il faudrait intégrer l’UICN et les associations », ajoute-t-il.
Au plus haut niveau de la préfecture des TAAF, les résultats de la mission sont attendus pour envisager les conditions d’un éventuel retour lors de la prochaine rotation du navire ravitailleur Marion Dufresne II, et, à plus grande échelle, éventuellement repenser le format des missions TAAF.
L’éventuelle reconstruction aura un coût. Le 22 janvier dernier, le député Jimmy Pahun a réexprimé le besoin de financement de la recherche polaire française – déjà sur le fil du rasoir – devant le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « J’ai rappelé au pays l’importance des TAAF et de la recherche en Arctique et en Antarctique pour la France », nous a-t-il expliqué. Il devrait se réunir mercredi avec le directeur de l’Institut polaire français et Isabelle Autissier, qui préside le Conseil consultatif des TAAF, pour discuter du budget.
L’incendie remet en question le format de la recherche dans les TAAF. « Réfléchir aux besoins du nouveau navire qui remplacera le Marion Dufresne II« , lance Cédric Marteau. « Les besoins scientifiques également. » Nous avons demandé au Comité national français de recherches arctiques et antarctiques, la société savante des sciences polaires, s’il avait des avis sur la suite, mais il n’a pas voulu s’exprimer sans recul sur l’incident.
Amsterdam est un point de mesure du CO2 d’importance internationale, le deuxième après celui d’Hawaï, mais aussi un district placé côté cœur pour ceux qui y ont eu la chance d’y séjourner.
Camille Lin, Polar Journal AG
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