Forte diminution des éléphants de mer à Géorgie du Sud

par Rosamaria Kubny
12/02/2025

La durée totale de gestation des éléphants de mer est d’environ onze mois. Elle comprend une diapause embryonnaire de trois à quatre mois avant que l’embryon ne poursuive son développement. La gestation proprement dite dure ensuite sept à huit mois, jusqu’à la naissance du jeune. (Photo: Heiner Kubny)

De nouvelles recherches du British Antarctic Survey (BAS) dressent un tableau alarmant: sur l’île subantarctique de Géorgie du Sud, le nombre de femelles éléphants de mer en train de mettre bas a chuté de 47% entre 2022 et 2024, un déclin d’une ampleur jamais observée. En cause: une flambée de grippe aviaire hautement pathogène HPAI H5N1, qui se propage rapidement dans la région depuis fin 2023.

Éléphants de mer sur Lagoon Island, près de Ryder Bay, île Adélaïde. (Photo: Steve Gibbs, BAS)

Un déclin allant jusqu’à 60% dans certaines colonies

L’équipe de recherche a surveillé, grâce à des technologies modernes d’imagerie aérienne, les trois plus grandes colonies de reproduction de l’île, qui représentent ensemble 16% de la population reproductrice femelle. La comparaison des données avant et après l’épidémie révèle toute l’ampleur du phénomène: en moyenne, 47% des femelles étaient absentes, et dans certaines colonies, ce chiffre dépassait 60%.

Dr Connor Bamford, écologue spécialisé dans les phoques et auteur principal de l’étude, se dit profondément touché: «L’ampleur de ce déclin est vraiment choquante. Les variations habituelles sont d’environ 3 à 7%, mais voir près de la moitié de la population reproductrice disparaître est sans précédent. Cela correspond à environ 53.000 femelles manquantes dans toute la Géorgie du Sud.»

Des scientifiques du BAS documentent les effets de la grippe aviaire sur les éléphants de mer à Géorgie du Sud. (Photo: Connor Bamford, BAS)

Un géant longévif sous pression

Les éléphants de mer du Sud comptent parmi les mammifères marins les plus impressionnants de l’océan Austral. Ils plongent jusqu’à 1.500 mètres et parcourent des milliers de kilomètres pour se nourrir. Leurs populations à Géorgie du Sud étaient considérées comme stables depuis des décennies.

Mais l’apparition de la grippe aviaire en septembre 2023 a marqué un tournant dramatique. D’abord détecté chez les skuas, le virus s’est rapidement transmis aux mammifères marins, avec des conséquences dévastatrices pour les éléphants de mer et les otaries à fourrure antarctiques.

«Ce qui nous inquiète particulièrement, c’est la longévité de ces animaux», explique le Dr Bamford. «Même des baisses ponctuelles de la reproduction ou du taux de survie ont des effets à long terme sur la stabilité de la population. Les conséquences de cette épidémie se feront probablement sentir pendant de nombreuses années.»

Des drones pour des données d’une précision inégalée

Pour évaluer l’ampleur des dégâts, les chercheurs ont utilisé des UAV à voilure fixe (drones). Ceux-ci ont permis d’obtenir des images aériennes haute résolution de colonies vastes et souvent difficiles d’accès – un progrès technologique crucial pour l’analyse.

Jamie Coleman, écologue et co-auteur : «Nous avons pu couvrir trois des plus grandes colonies d’éléphants de mer du monde en quelques minutes. Auparavant, nous devions effectuer ces comptages à pied. Dans le vent, la neige et la pluie, nous recueillions ainsi des données essentielles pour comprendre l’impact des changements environnementaux sur ces animaux extraordinaires.»

Les résultats rappellent ceux d’Amérique du Sud, où le HPAI avait déjà provoqué des taux de mortalité supérieurs à 70%. Contrairement à ces régions, la population de Géorgie du Sud avait jusqu’ici été considérée comme protégée.

Éléphant de mer du Sud mâle (gauche) et femelle (droite) à Rothera Point, Antarctique. (Photo: Constantino Listowski, BAS)

Un suivi à long terme comme clé

Pour le gouvernement de Géorgie du Sud et des îles Sandwich du Sud, cette étude confirme la nécessité d’un suivi approfondi en place depuis 2015.

Sue Gregory de la GSGSSI souligne : «Cette étude apporte une contribution précieuse à la surveillance continue de nos grands prédateurs et nous aide à comprendre les différences régionales dans leur réaction aux facteurs de stress environnementaux.»

Les recherches à long terme combinent comptages au sol, prises de vue par drones et données satellites. Cet ensemble d’outils est indispensable pour distinguer fluctuations passagères et impacts durables.

Rosamaria Kubny, PolarJournal