Lorsque l’explorateur polaire Ernest Shackleton écrivit dans son journal le 27 octobre 1915 : « Elle était vouée à sombrer, aucun navire construit par l’homme n’aurait pu résister à cette pression », ses rêves d’atteindre l’Antarctique s’étaient déjà envolés. Le HMS «Endurance était coincé dans la mer de Weddell depuis janvier. Fin octobre, la glace avait arraché le gouvernail, déchiqueté la quille, brisé les poutres du pont dans la salle des machines et percé des trous dans les parois latérales du bateau.
L’expédition ratée en Antarctique du polaire Ernest Shackleton est considérée comme l’une des plus grandes aventures du 20. siècle. Shackleton voulait être le premier homme à traverser l’Antarctique. L’Endurance aurait dû conduire Shackleton et son équipage jusqu’à la lisière de la banquise antarctique, mais il a été surpris très tôt dans la mer de Weddell par la banquise.
Le fait que les 28 membres d’équipage aient néanmoins réussi à atteindre l’île Éléphant dans des conditions extrêmement difficiles et y aient été secourus en août 1916 est attribué en grande partie au courage et à la détermination de Shackleton.
Shackleton a-t-il pris le risque?
«L’Endurance a certes perdu son gouvernail, mais ce n’est pas pour cela que le navire a coulé », écrit l’ingénieur Jukka Tuhkuri dans la revue spécialisée « Polar Research». «L’Endurance aurait coulé même s’il n’avait pas eu de gouvernail.» Au lieu de cela, l’énorme pression exercée par la banquise sur la coque a déchiré la quille.
La raison: l’Endurance n’était pas conçue pour résister à de telles masses de glace. Et l’affirmation la plus décevante pour les admirateurs de Shackleton : Shackleton le savait et a pris ce risque pour lui-même et son équipage.
Tuhkuri étaye ses affirmations d’une part à l’aide des plans de construction de l’Endurance et d’autre part à l’aide d’exemples tirés de nombreux autres navires, dont le célèbre trois-mâts barque Deutschland, le navire de la deuxième expédition allemande en Antarctique en 1911/1912. L’auteur s’appuie également sur les entrées du journal et les lettres de Shackleton.
«Shackleton en était conscient. Avant son départ, il se plaignait dans une lettre à sa femme des faiblesses du navire et disait qu’il échangerait l’Endurance contre son ancien navire à tout moment. En effet, lors d’une visite dans un chantier naval norvégien, il avait recommandé des poutres diagonales pour un autre navire polaire. Ce même navire est resté coincé pendant des mois dans la banquise et a survécu», explique Tuhkuri.
Heiner Kubny, PolarJournal

