Longyearbyen (Svalbard), le 9 novembre 2025 – Après environ deux semaines et demie de recherches dans le Grand Nord, le brise-glace norvégien Kronprins Haakon est rentré au port de Longyearbyen il y a trois jours, émergeant de la glace arctique. L’équipage et l’équipe internationale de scientifiques à bord ont rapporté de précieuses données et des échantillons provenant des profondeurs de l’océan Arctique.
L’expédition a conduit les chercheurs jusqu’au 85ᵉ parallèle nord, à environ 500 kilomètres du pôle Nord géographique. Dans des conditions difficiles et sous l’avancée de la nuit polaire, les scientifiques ont étudié divers processus océanographiques. L’un des principaux objectifs consistait à mieux comprendre comment le changement climatique en cours affecte cette région polaire fragile.
Le Kronprins Haakon est l’un des navires de recherche polaire les plus avancés au monde et une source de fierté pour la Norvège dans les régions arctiques. Il est équipé de technologies de pointe – véhicules sous-marins, multiples laboratoires, pont pour hélicoptère. Lors de cette expédition, une rosette CTD, des sondeurs acoustiques, ainsi que des filets à plancton et des chaluts ont été principalement utilisés, explique Silje van Mierlo, étudiante en master à Bergen.
À 23 ans, Silje van Mierlo fait partie de la jeune génération de scientifiques qui façonnent avec passion l’avenir de la recherche marine. Étudiante à l’Institut de recherche marine (Havforskningsinstituttet) de Bergen, elle a eu l’occasion de participer à cette extraordinaire expédition hivernale dans la banquise.
Un parcours vers l’océanographie
Silje a obtenu sa licence en sciences marines à Eckerd College, à St. Petersburg (Floride), et se concentre désormais sur le système des carbonates dans le cadre de son master.
Le système des carbonates décrit l’équilibre chimique entre le dioxyde de carbone dissous, les ions bicarbonate et carbonate. Il régule le pH de l’eau de mer, amortit son acidité et détermine la capacité de l’océan à absorber le CO₂ – donc la survie de nombreux organismes marins.
Grâce à une rosette CTD, elle a collecté des échantillons permettant de mesurer la profondeur, la conductivité et la température de l’eau. Ces données fournissent des informations essentielles sur l’évolution des conditions physiques avec la profondeur. D’autres analyses et échantillons d’eau livrent des données chimiques telles que le pH, le CO₂ dissous, l’alcalinité totale et le carbone inorganique dissous. Ce n’est qu’en combinant ces mesures que l’on peut comprendre l’état du système des carbonates.
De cette manière, les scientifiques peuvent identifier les principaux facteurs responsables des variations du système des carbonates et l’évolution de l’acidification des océans. Les profils CTD répétés permettent de dresser un tableau détaillé des changements chimiques et physiques dans l’océan – une base importante pour évaluer les effets du changement climatique sur les écosystèmes marins.
Comme ces expéditions sont menées régulièrement, elles permettent également de suivre l’évolution des conditions au fil du temps et de mieux comprendre les processus sous-jacents.
Une recherche en continu, 24 h sur 24
Pendant l’expédition, Silje a souvent travaillé de nuit. Comme d’autres projets étaient menés en parallèle, les travaux devaient se poursuivre dès que le navire atteignait le site de recherche prévu. Les opérations scientifiques fonctionnaient sans interruption, tout en respectant un rythme de vie quotidien :
- 07h30–08h00 : petit-déjeuner
- 11h30–12h30 : déjeuner
- 15h00 : pause café avec gâteau et boller (petits pains sucrés)
- 17h00–18h00 : dîner
L’évaluation scientifique de l’expédition n’en est qu’à ses débuts, mais elle est déjà considérée comme une contribution importante à la compréhension des mois d’hiver en Arctique. « Il est trop tôt pour parler de résultats précis, reconnaît Silje, mais nous avons déjà constaté qu’il y avait nettement moins de poissons plus au nord. »
Cependant, cela pourrait changer avec le recul de la banquise et l’évolution des courants. « À mesure que l’océan se réchauffe, l’eau atlantique et les espèces de poissons remontent toujours plus vers le nord – un développement aux conséquences écologiques mais aussi géopolitiques considérables », explique-t-elle.
La vie quotidienne à bord
Malgré la charge de travail, l’esprit de communauté est resté fort. « Il y avait un bon équilibre entre discipline scientifique et convivialité », confie Silje. Pendant les pauses, on jouait aux cartes ou à des jeux de société, on organisait des tournois de Mario Kart sur la Nintendo Switch ou l’on regardait des films dans la salle commune.
Pour changer d’air, un petit gymnase était disponible, et le hangar offrait de l’espace pour faire du sport ou jouer au ping-pong – un moyen bienvenu de se détendre après de longues heures de travail. En raison de la latitude élevée, l’équipage a passé tout le voyage dans l’obscurité, les jours et les nuits se fondant l’un dans l’autre.
Rencontres dans la glace
Un moment fort de l’expédition a été l’observation de la faune : « Nous avons vu des phoques et des bélugas, mais malgré de nombreuses traces, nous n’avons aperçu aucun ours polaire – la visibilité n’était de toute façon pas très bonne. »
Le moment le plus impressionnant du voyage est cependant survenu lorsque le Kronprins Haakon a pénétré dans la banquise dense. « Les craquements et grondements du navire forçant son passage dans la glace étaient inoubliables », se souvient-elle. Sa cabine se trouvait juste au niveau de la glace : « On entendait constamment le crissement et le grincement de la glace – un son très particulier. Ça va me manquer », dit-elle avec un sourire.
Marcel Schütz, PolarJournal

