Il est le plus haut sommet des États-Unis et change à nouveau de nom. Le mont Denali est à nouveau sous le feu des projecteurs suite à un décret présidentiel ordonnant qu’il soit rebaptisé mont McKinley. Éclairage.
Il n’aura pas traîné. A peine la cérémonie d’investiture terminée, Donald Trump, 47ème président des États-Unis, fait son come-back à la tête du pays et dégaine son stylo pour signer décret sur décret. Immigration, économie, accord de Paris, Organisation mondiale de la santé, le nouveau président ratisse large pour son second mandat à la Maison-Blanche.
Parmi ces nombreux executive orders, figure un décret pour renommer le plus haut sommet des États-Unis. Portant le titre évocateur de «», ce document ordonne que le mont Denali soit rebaptisé mont McKinley. Dans ce décret, le président Trump ordonne également que le Golfe du Mexique soit rebaptisé Golfe de l’Amérique.
Un décret présidentiel est une directive écrite qui a force de loi et que le président adresse aux agences gouvernementales. C’est une décision unilatérale qui doit toutefois respecter la Constitution et les lois adoptées par le Congrès. Si ces décrets permettent de prendre des mesures immédiates – comme la libération d’un millier d’émeutiers du Capitole que Trump a gracié au premier jour de son mandat -, ils peuvent être contestés en justice et leur application suspendue. Le décret portant sur le changement de nom du mont Denali est donc tout à fait applicable même s’il suit une procédure plutôt inhabituelle.
Aux États-Unis, les noms de lieux relèvent de la compétence de l’U.S. Board on Geographic Names qui fait partie de l’U.S. Geological Survey. La démarche de changement de nom d’un lieu est généralement le fait des habitants d’un État ou d’un comté, soutenus par des politiques, qui proposent ce changement. Si le processus diffère d’un État à un autre, il suit toutefois sensiblement le même chemin administratif. Le nouveau nom est admis au niveau local (le comté par exemple) avant d’être validé au niveau de l’État. Pour qu’il soit validé au niveau national, la demande est déposée auprès de l’U.S. Board on Geographic Names.
Dans le cas du mont Denali, le changement de nom n’est pas une première. Culminant à plus de 6 190 mètres d’altitude, cette imposante montagne a été baptisée par les populations autochtones qui habitaient ces terres bien avant l’arrivée des premiers Russes et chercheurs d’or. Le nom Denali vient des Athabascans de Koyukon qui nommèrent la montagne « Deenalee », un terme qu’on peut traduire par la grande ou le plus haut.
Baptêmes présidentiels
À la fin du 19ème siècle, le mont est rebaptisé mont McKinley par un chercheur d’or qui souhaite afficher son soutien à William McKinley, alors candidat à la présidence du pays.
Né dans l’Ohio, dont il fut le gouverneur, McKinley ne mettra jamais les pieds en Alaska. Investi en mars 1897, McKinley entame un premier mandat avant d’être réélu en 1900. Vingt-cinquième président des États-Unis, McKinley meurt assassiné le 14 septembre 1901 alors qu’il est toujours en fonction. Theodore Roosevelt, vice-président, lui succède à la tête du pays. En 1917, le mont Denali est rebaptisé en son hommage.
Qualifié de « grand président » par Trump, le républicain McKinley était connu pour son protectionnisme et son impérialisme. Entre augmentation des droits de douane (jusqu’à 50%), annexion de Hawaï et emprise sur Porto Rico et les Philippines, la politique de McKinley offre des parallèles avec celle de Trump. D’où, probablement, les velléités de ramener sur le devant de la scène un président pourtant relativement tombé dans l’oubli au profit d’un Roosevelt plus charismatique.
Mais revenons à notre montagne qui porte désormais le nom de McKinley. Pour les Alaskans, elle garde pourtant encore largement le nom de Denali. En 1975, l’Alaska Board of Geographic Names officialise le nom koyukon au niveau de l’État. Une demande de changement au niveau fédéral se verra bloquée par un membre du Congrès de l’Ohio, lieu d’origine de McKinley. Au niveau fédéral, la montagne gardera le nom de l’ancien président américain.
Sous la présidence de Barack Obama, la montagne sera finalement rebaptisée Denali en 2015. Au grand dam des politiciens de l’Ohio qui digèrent mal le changement. A peine deux ans plus tard, Trump, alors dans son premier mandat présidentiel, annonce son intention de changer à nouveau le nom de la montagne et se heurte au refus ferme du gouverneur et des sénateurs de l’Alaska. Lors de son deuxième mandat, à peine investi, Trump signe le fameux décret qui rebaptise le mont Denali en mont McKinley. Le décret est entériné quelques jours plus tard par le . Le nom du parc national et de la réserve qui comprend la montagne reste toutefois inchangé et conserve le nom de Denali National Park and Preserve.
Un nom qui ne fait pas l’unanimité
Ce nouveau baptême a suscité de nombreuses réactions en Alaska, notamment chez les politiciens, y compris dans les rangs républicains. A l’image de la sénatrice de l’État, Lisa Murkowski, qui affirmait déjà sur le réseau social X son désaccord quant à ce décret.
De leur côté, les Autochtones de l’Alaska ont rappelé le lien profond et séculaire qui existe entre les peuples autochtones et leur terre d’origine. Un rappel important alors qu’un autre décret, portant sur l’abolition du droit du sol, pourtant constitutionnel, .
Mirjana Binggeli, Polar Journal AG
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