La rétrospective polaire – 10 tracteurs pour l’Antarctique, le vêlage des icebergs déclenché par les marées, les incendies et les ours polaires

par Polar Journal AG Team
07/28/2025

La rétrospective polaire se penche sur les événements récents survenus dans les régions polaires du monde. Cette semaine, nous nous intéressons à un contrat de 17 millions de dollars entre l’Institut polaire norvégien et Prinoth, à de nouvelles connaissances sur le rôle des marées océaniques dans le déclenchement du vêlage des icebergs en Antarctique, et aux conséquences des incendies de forêt sur les ours polaires.

Après s’être équipé d’avions automatiques Windracers Ultra pour la surveillance aérienne, l’Institut polaire norvégien est à la recherche de 10 nouveaux tracteurs à chenilles pour tirer davantage d’équipements sur la calotte glaciaire de l’Antarctique. Photo : Prinoth

La rétrospective polaire est un effort de collaboration de l’équipe éditoriale de polarjournal.net. Chaque rédacteur choisit un sujet qu’il a trouvé intéressant et important au cours de la semaine écoulée. Les initiales à la fin de chaque section indiquent l’auteur.

La Norvège commande des véhicules de transport extrêmes pour la station Troll

Le Panther XL est un véhicule articulé à chenilles conçu pour transporter des charges sur des terrains enneigés ou verglacés. Photo : Prinoth

Le fabricant de véhicules sur chenilles Prinoth a été sélectionné par l’Institut polaire norvégien à la suite d’un appel d’offres pour équiper la station Troll en Antarctique. Le contrat, d’une valeur de 17 millions de dollars, porte sur la livraison de dix véhicules Panther XL, conçus pour des missions logistiques sur la neige et la glace. Basée au Tyrol du Sud (Italie), Prinoth s’appuiera sur son usine de Granby (Québec), via sa filiale canadienne spécialisée dans les véhicules à chenilles et les dameuses. Les véhicules seront livrés avec un lot de pièces de rechange.

Conçus pour des conditions extrêmes, les Panther XL sont équipés de sièges à suspension pneumatique, d’écrans tactiles, de logiciels d’aide à la conduite et d’un régulateur de vitesse. Leurs cabines suspendues sont équipées de vitres chauffantes et d’essuie-glaces. Dotés de quatre chenilles en caoutchouc à tension automatique, ils sont propulsés par des moteurs Caterpillar. Chaque Panther pourra tracter entre 10 et 15 traîneaux, pour un poids total de 150 tonnes. Cette capacité est essentielle pour approvisionner la station norvégienne ou les camps sur des centaines de kilomètres de glace. « L’Antarctique exige la meilleure technologie », a déclaré Klaus Tonhäuser, président de Prinoth. C.L.

Les marées déclenchent la rupture d’icebergs : nouvelles connaissances sur les événements de vêlage dans l’Antarctique

Le 23 janvier 2023, l’iceberg A-81 – de la taille de la Grande Canarie – s’est détaché de la plate-forme glaciaire de Brunt en Antarctique. Ces images de Copernicus Sentinel-2, prises les 20 et 24 janvier, montrent l’iceberg nouvellement vêlé flottant dans la mer de Weddell. La faille dont il s’est détaché est connue sous le nom de Chasm-1. Photo : Image Copernicus Sentinel-2, contient des données Copernicus Sentinel modifiées 2023

Lorsqu’un iceberg géant se détache d’une plate-forme glaciaire de l’Antarctique, il s’agit souvent d’un événement dramatique et apparemment imprévisible. Cependant, de nouvelles recherches suggèrent que le calendrier de ces épisodes de vêlage colossal pourrait suivre un rythme étonnamment régulier : celui des marées océaniques.

Une équipe dirigée par le glaciologue Oliver Marsh du British Antarctic Survey (BAS) a montré que les marées jouent un rôle clé dans le détachement des grands icebergs des plates-formes glaciaires flottantes de l’Antarctique. Leur étude, publiée dans Nature Communications, établit un lien direct entre le vêlage de l’iceberg A-81 de la plate-forme glaciaire de Brunt en janvier 2023 et l’action des marées de printemps – les forces de marée les plus fortes se produisant autour de la pleine lune et de la nouvelle lune.

Les chercheurs ont analysé des données provenant d’instruments GPS à long terme et de radars satellitaires sur plusieurs années, en se concentrant sur la plate-forme glaciaire de Brunt et sur un système de faille majeur appelé Chasm-1. Cette fissure s’est lentement agrandie pendant plus d’une décennie avant que l’iceberg A-81, d’une taille de plusieurs centaines de kilomètres carrés, ne finisse par se détacher. L’équipe a découvert que les changements de contraintes et les micro-fractures dans la glace étaient étroitement liés aux cycles des marées. En particulier, les ruptures les plus importantes se sont produites lors des marées de printemps.

« Ce type d’information nous rapproche de la possibilité de prévoir avec beaucoup plus de précision les grandes pertes de glace et leur impact sur le niveau de la mer », explique M. Marsh. « Les icebergs comme A-81 […] représentent environ la moitié de la glace perdue chaque année en Antarctique. Il est essentiel de comprendre ce qui contrôle le calendrier de ces événements, car le vêlage affecte non seulement la forme et le taux de fonte des plates-formes glaciaires, mais aussi leur stabilité à long terme. »

L’étude met également en évidence le rôle des vents atmosphériques, qui peuvent amplifier les effets des marées sur la dynamique des plates-formes de glace. L’ensemble de ces résultats pourrait ouvrir la voie à des modèles de prévision à court terme du vêlage des icebergs, ce que l’on pensait jusqu’à présent quasiment impossible. J.H.

Feux de forêt, une menace pour les ours polaires

On le connaît surtout comme le grand marcheur qui arpente les glaces arctiques. Pourtant, les ours polaires ont aussi besoin de terre ferme, notamment pour se reproduire. Les femelles mettent bas dans des tanières. Les feux de forêt qui touchent durement le Manitoba peuvent mettre en péril ces sites de reproduction. Photo : Julia Hager

Au Manitoba, la hausse des incendies de forêt inquiète les chercheurs, qui s’intéressent à leur impact sur les zones de mise bas des ours polaires. C’est ce que révélait Global News le 14 juillet dernier. Le parc national de Wapusk, en bordure de la baie d’Hudson, abrite l’un des principaux sites de reproduction de l’espèce. Situé entre forêt boréale et toundra arctique, ce territoire fragile est composé de tourbières, de pergélisol et de pentes boisées, conditions idéales pour creuser des tanières.

Mais ces éléments sont aussi hautement inflammables. Lorsqu’un feu se propage, il détruit non seulement les arbres, mais aussi la tourbe qui stabilise le sol, compromettant la qualité de l’habitat. Or, avec un climat qui se réchauffe et des sols qui s’assèchent, ces incendies sont appelés à se multiplier.

Alors que les incendies continuent de faire rage au Manitoba, des feux sont actuellement surveillés à Wapusk et dans la zone faunique de Kaskatamagan. Les chercheurs cartographient ces foyers pour anticiper les risques et guider les efforts de protection. L’enjeu est de taille : la population d’ours de l’ouest de la baie d’Hudson est en déclin, et chaque perte d’habitat complique la survie de l’espèce.

Les effets sont encore mal connus. Certains ours pourraient changer de zone, d’autres revenir sur un site détruit, épuisant leurs réserves. D’autres espèces comme le caribou sont aussi vulnérables, notamment en période de reproduction. Face à l’intensité inédite des feux, la question n’est plus de savoir si la faune s’adaptera, mais combien elle pourra endurer. M.B.