Rétrospective polaire – Un amour lointain, les secrets des îles Sandwich du Sud et la pollution sonore

par Polar Journal AG Team
06/10/2025

La rétrospective polaire se penche sur des histoires récentes concernant les régions polaires du monde. Cette semaine, nous examinons comment les rêves polaires inspirent la passion, des jardins de coraux et des cheminées hydrothermales nouvellement découverts, ainsi que la pollution sonore dans les régions polaires.

Une exposition présente des photos de tatouages sur le thème des pôles, recueillies dans le cadre d’un appel public. Photo : E.Guillon / Espace des Mondes Polaires Paul-Émile Victor

La rétrospective polaire est un effort de collaboration de l’équipe éditoriale de polarjournal.net. Chaque rédacteur choisit un sujet qu’il a trouvé intéressant et important au cours de la semaine écoulée. Les initiales à la fin de chaque section indiquent l’auteur.

L’amour des pôles est à Prémanon

Mise en scène d’un salon de collectionneurs. Photo : Espace des Mondes Polaires Paul-Émile Victor

À Prémanon, dans le Haut-Jura, l’Espace des Mondes Polaires Paul-Émile Victor accueille à partir du 7 juin une exposition temporaire ambitieuse : « Passions polaires, quand les rêves mènent aux pôles » ou comment une métropole sans frontière polaire a su développer une véritable passion collective pour des territoires lointains, inaccessibles, souvent idéalisés.

« C’est un peu comme vivre un amour à distance », commente Laetitia Thérond, commissaire de l’exposition, à polarjournal.net. Une distance géographique, bien sûr, mais aussi mentale, tant ces régions ont longtemps relevé du fantasme. Depuis les récits des grandes expéditions jusqu’aux figurines de manchots dans les chambres d’enfants, les pôles ont nourri l’imaginaire national.

L’exposition, installée dans la salle temporaire de 200 m2 du musée, convoque des figures tutélaires comme Jean-Baptiste Charcot, Paul-Émile Victor et Madeleine Griselin, mais aussi des témoignages de passionnés anonymes, collectionneurs de timbres ou de livres, naturalistes de salon, artistes inspirés, jusqu’aux amateurs qui portent les pôles à même leur peau, tatoués de leur fascination.

Maquettes, objets rares, un refuge scientifique des îles subantarctiques reconstitué, une centaine de figurines de manchots et des documents venus de partenaires comme l’Institut polaire français ou le Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne composent un parcours à la fois scientifique, poétique et affectif. Au-delà de la curiosité géographique, l’exposition explore un besoin plus universel : celui de rêver loin, et parfois froid. C.L.

Découvertes profondes dans les îles Sandwich du Sud

Une communauté corallienne dynamique sur le mont sous-marin Humpback, à environ 700 mètres de profondeur. L’expédition a permis de découvrir des jardins de coraux, des cheminées hydrothermales et de nombreuses nouvelles espèces. Photo de l’expédition : Schmidt Ocean Institute

Une nouvelle expédition a révélé une biodiversité et une activité géologique étonnantes dans l’un des coins les plus reculés de l’océan Austral.

Pendant 35 jours, une équipe internationale de scientifiques à bord du navire de recherche Falkor (too) du Schmidt Ocean Institute a exploré les profondeurs glacées autour des îles Sandwich du Sud, découvrant de nouvelles espèces présumées, des jardins coralliens florissants et l’un des systèmes de cheminées hydrothermales les moins profonds de la région.

L’expédition Ocean Census Flagship, qui fait partie de la plus grande initiative mondiale visant à accélérer la découverte d’espèces marines, a travaillé aux côtés de l’équipe GoSouth pour étudier à la fois la richesse biologique et les géorisques tels que les volcans, les tsunamis et les tremblements de terre.

L’équipe GoSouth est une collaboration scientifique entre l’Université de Plymouth (Royaume-Uni), le GEOMAR Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel (Allemagne) et le British Antarctic Survey (Royaume-Uni). L’objectif est de comprendre les forces géologiques dynamiques qui façonnent les fonds marins et les risques potentiels qu’elles représentent. Au cours de l’expédition, ils ont découvert quatre cheminées hydrothermales à l’intérieur d’une caldeira volcanique submergée à seulement 700 mètres de profondeur, dont une cheminée aussi haute qu’un panier de basket-ball. Ces évents étaient densément peuplés de formes de vie qui dépendent de la chimiosynthèse, comme les escargots et les balanes, et, fait inhabituel, ils étaient situés juste à côté de riches jardins coralliens et de grandes éponges.

D’autres observations rares ont été faites, notamment des œufs de limaces de mer pondus sur du corail noir au fond de la fosse des Sandwich du Sud, une nouvelle espèce potentielle de concombre de mer et un calmar colossal juvénile qui n’avait jamais été filmé jusqu « à présent. L’équipe a également découvert de grands blocs de pierre ponce, signe d’une activité volcanique explosive dans la région.

« C’est exactement la raison d’être du recensement des océans : accélérer notre compréhension de la vie océanique avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré le Dr Michelle Taylor. Les résultats vont maintenant être examinés par des experts afin d’identifier formellement toute nouvelle espèce. J.H.

Trop de bruit dans les régions polaires

Essentiels à la communication entre individus, à la chasse et à la navigation, les signaux acoustiques émis par les baleines peuvent être perturbés par les bruits générés par les activités humaines. Photo : Michael Wenger

Une étude menée en Antarctique par l’Université de la République d’Uruguay (Udelar) et l’Université Pompeu Fabra (UPF) montre comment le bruit généré par un générateur d’énergie affecte la faune locale, perturbant la communication et le comportement des animaux. La recherche, dont les résultats sont disponibles sur Science Direct,s’est concentrée sur un générateur situé sur l’île Ardley, dans les îles Shetland du Sud. L’île est enregistrée comme zone spécialement protégée de l’Antarctique (ASPA) et constitue un site important de reproduction pour nombre de mammifères marins et d’oiseaux de mer.

Selon les résultats de l’étude, le bruit pourrait entraîner des pertes auditives, un stress accru et des changements dans les vocalisations. Les chercheurs appellent à une meilleure gestion des zones protégées, avec des mesures pour surveiller et réduire l’impact de la pollution sonore dans la région. Une nécessité, y compris pour les activités scientifiques qui sont susceptibles de générer du bruit.

Si le bruit peut être généré par des activités scientifiques et de logistiques, il l’est également par le tourisme. C’est pourquoi, l’IAATO, Association internationale des voyagistes antarctiques, a adopté des mesures de réduction du bruit pour protéger les baleines autour de la péninsule Antarctique, en imposant des protocoles obligatoires dès la saison 2025-26. Ces mesures, baptisées Maritime Acoustic Awareness Zone (AAZ), incluent une zone interdite de 400 m autour des baleines et des restrictions sur la vitesse des navires. Cette initiative vise à préserver la population rare d’orques B1, en minimisant les perturbations acoustiques.

Via à ces mesures, annoncées dans un communiqué de presse le 4 juin, l’IAATO renforce ainsi son engagement pour la conservation des écosystèmes antarctiques, en collaborant avec des parties prenantes comme la CCAMLR et en soutenant les zones marines protégées (ZMP) dans l’océan Austral.

Même son de cloche d’ailleurs en Antarctique où la pollution sonore est aussi un sujet de préoccupation. Publié en mai dernier, un rapport du Conseil de l’Arctique prévoit une forte augmentation du bruit sous-marin causé par le transport maritime dans l’océan Arctique d’ici 2030, menaçant les baleines et autres espèces sensibles au bruit. Cette pollution, déjà croissante, perturbe la communication des animaux marins et leur comportement, pouvant entraîner des blessures et la mort. Le rapport souligne que même de petites hausses du trafic maritime auront un impact important, car le son voyage plus loin dans les eaux froides de l’Arctique.

Le groupe de travail « Protection de l’environnement marin arctique » (PAME), responsable du rapport, propose des mesures de gestion pour réduire ce bruit, telles que le détournement des navires des habitats sensibles, la réduction de la vitesse et l’utilisation de technologies moins bruyantes. M.B.