La rétrospective polaire se penche sur les événements récents survenus dans les régions polaires du monde. Cette semaine, nous nous intéressons à la réunion annuelle du Comité national français pour les recherches arctiques et antarctiques, aux efforts déployés par la Russie pour construire une flotte de 130 navires arctiques afin de développer le commerce avec la Chine le long de la route maritime du Nord, et à un nouvel observatoire des nuages dans l’Antarctique qui pourrait combler des lacunes importantes dans les modèles climatiques.
La rétrospective polaire est un effort de collaboration de l’équipe éditoriale de polarjournal.net. Chaque rédacteur choisit un sujet qu’il a trouvé intéressant et important au cours de la semaine écoulée. Les initiales à la fin de chaque section indiquent l’auteur. Nous espérons que vous l’apprécierez.
Trois jours de pure science polaire dans la ville alpine de Grenoble
Trois jours et une soixantaine de présentations ont permis de dresser un tableau très érudit des dernières avancées scientifiques dans les régions arctique, subarctique, subantarctique et antarctique. La semaine dernière, les chercheurs polaires français du Comité national français des recherches arctiques et antarctiques se sont réunis pour parler science à Grenoble.
Cent quatre-vingt-dix personnes ont assisté aux conférences dans cette ville au pied des Alpes, connue comme la ville des glaciologues. Ces derniers ont ouvert le bal lundi avec, entre autres, le retour en Europe de la carotte glaciaire Beyond EPICA.
« Nous les avons programmés en premier parce que nous étions sûrs qu’ils n’auraient pas de difficulté de transport », nous explique sur le ton de l’humour Anne Choquet, chercheure en droit, en faisant référence à la grève des cheminots du dimanche.
Anciennement présidente de l’association, elle a dû passer la main au cours de l’événement. Le bureau s’est reformé au cours de l’assemblée générale. « Quinze candidats à la présidence, c’est la première fois qu’il y a autant de monde », explique-t-elle. « C’est bien qu’il y ait un intérêt. » Quand on demande lequel, elle répond : « le réseau, la dynamique. » En 2011, cette association comptait 110 membres contre 260 cette année.
L’association a révisé ses statuts et ses missions. Autrefois plus orientées vers la représentation de la France au Comité scientifique de recherche antarctique, elles couvrent aujourd’hui de façon égale les deux pôles. « Nous avons aussi ajouté une mission de communication des enjeux polaires à l’attention des politiques », explique l’ancienne présidente.
Le député Jimmy Pahun s’est également déplacé ; il suit la progression de la Stratégie polaire française. Celle-ci cherche à obtenir le financement ministériel suite aux engagements du président Macron vis-à-vis de l’Institut polaire français et des programmes de recherche, sur fond de blocage du débat national à l’Assemblée. C.L.
Un projet russe de 130 nouveaux navires afin de couvrir l’augmentation des échanges commerciaux avec la Chine en Arctique
Dans le cadre de sa stratégie arctique, la Russie a dévoilé un plan ambitieux visant à revitaliser son industrie navale nationale, en investissant 6 milliards de dollars dans la construction de nouveaux navires. Une part importante de cette initiative est consacrée à l’Arctique. Le plan comprend 130 navires de classe glace supérieure conçus pour naviguer sur la route maritime du Nord. Cet investissement considérable souligne la détermination de Moscou à affirmer sa présence et à tirer parti de l’évolution du paysage géopolitique et économique du Grand Nord.
L’importance accrue accordée à la construction navale dans l’Arctique est très probablement liée à l’approfondissement de la coopération entre la Russie et la Chine. Les deux pays cherchent activement à étendre leur partenariat dans les projets de transport maritime et d’énergie dans l’Arctique, en mettant l’accent sur le développement de nouveaux centres de transport maritime dans l’Arctique.
Cette collaboration s’est intensifiée à la suite de l’invasion massive de l’Ukraine, qui a vu le commerce entre la Russie et la Chine dominer le trafic sur la route maritime du Nord. En 2024, le chiffre d’affaires commercial entre les deux pays atteindra le chiffre record de 245 milliards de dollars, grâce au pétrole brut et au gaz naturel liquéfié (GNL) transportés par les voies maritimes de l’Arctique.
Lors de récentes réunions de haut niveau à Moscou, les discussions ont porté sur l’implication croissante de la Chine dans les vastes projets russes de GNL dans l’Arctique, renforçant ainsi leur alignement stratégique dans la région.
Toutefois, les ambitieux projets de construction navale de la Russie ne vont pas sans poser de problèmes. Le pays est confronté à des obstacles considérables pour les mettre en œuvre, principalement en raison des sanctions occidentales. Elles restreignent l’accès aux technologies et à l’expertise essentielles de la construction navale étrangère. Les pénuries sont fréquentes sur les chantiers navals spécialisés, tels que ceux des méthaniers de classe glace. M.W.
Le nouvel observatoire de l’Antarctique vise à améliorer les modèles climatiques grâce à la recherche sur les nuages
Un nouvel observatoire des nuages a été mis en place à la station de recherche norvégienne Troll à Dronning Maud Land, en Antarctique, afin de mieux comprendre le rôle que jouent les nuages polaires dans le système climatique. Le projet, dirigé par Stephen Hudson de l’Institut polaire norvégien, vise à étudier l’impact du changement climatique sur les nuages de l’Antarctique.
Globalement, les nuages ont un effet refroidissant sur le climat en réfléchissant la lumière du soleil. La Terre serait en moyenne plus chaude d’environ cinq degrés Celsius sans leur présence. Dans l’Antarctique, ce sont les nuages en phase mixte qui dominent, composés à la fois de cristaux de glace et de gouttelettes d’eau liquide. À mesure que les températures augmentent, l’équilibre se déplace en faveur de l’eau liquide, ce qui modifie les propriétés réfléchissantes des nuages et peut contribuer à un réchauffement supplémentaire.
Les modèles climatiques actuels ne sont toujours pas en mesure de rendre compte de manière fiable des effets du réchauffement climatique sur les nuages polaires, en grande partie à cause d’un manque de données de mesure fondamentales, notamment en Antarctique. Le nouvel observatoire vise à combler cette lacune.
L’installation se compose de trois conteneurs équipés d’instruments de mesure des nuages, des aérosols et des radiations, ainsi que d’un système de lancement quotidien de ballons météorologiques. Ces derniers fournissent des données sur la température, la pression, l’humidité et les vents. Les informations obtenues devraient permettre d’améliorer la représentation des nuages dans les modèles climatiques et météorologiques, qui constituent encore l’une des plus grandes incertitudes dans les projections futures.
Le projet fait partie du réseau d’observation de Troll (TONe), qui recueille des séries de données à long terme pour la recherche sur le système terrestre. J.H.