L’art inuit s’expose aux beaux-arts de Montréal

par Mirjana Binggeli
12/20/2024

Attribuée à Bobby Quppaapik Tarkirk, cette œuvre délicate montre des oiseaux sculptés dans la stéatite et de la serpentine et perchés à un bois de caribou. Probablement Bobby Quppaapik Tarkirk (1934-2000), Sans titre (Oiseaux dans un arbre), fin des années 1960 – début des années 1970. MBAM, don du Museum of Inuit Art, Toronto. Photo : Christine Guest, MBAM

Polar Journal AG vous invite à une visite virtuelle de l’exposition ᐆᒻᒪᖁᑎᒃ uummaqutik qui s’est ouverte en novembre dernier au Musée des beaux-arts de Montréal. 

Le 8 novembre dernier, s’ouvrait au Musée des beaux-arts de Montréal, le MBAM, une exposition permanente consacrée à l’art inuit. Baptisée ᐆᒻᒪᖁᑎᒃ uummaqutik (essence de la vie en inuktitut), l’exposition a été imaginée avec le concours de l’artiste et commissaire inuk Asinnajaq.

Durant les cinq prochaines années, la galerie présentera quelques 120 œuvres en rotation produites par 70 artistes inuit du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et de la région désignée des Inuvialuit. Les œuvres seront sélectionnées parmi les centaines de peintures sculptures, dessins, estampes, photographies ou œuvres textiles que compte le musée. 

Entre des œuvres résolument contemporaines et des œuvres plus classiques, l’exposition invite les visiteurs à méditer sur les rythmes de la vie propres aux territoires circumpolaires qui composent l’Inuit Nunangat, le territoire des Inuit au Canada. 

Pour toutes celles et ceux qui n’auront pas l’occasion de se rendre au Canada, Polar Journal AG vous invite à une visite virtuelle de cette exposition en vous présentant quelques-unes des œuvres actuellement exposées.

« Tous les recoins de la terre sont habitables, se vante la pierre étreignant le lichen. Pour faire sa vie (ou sa maison ?), il suffit de faire preuve de créativité. » Dans cette œuvre peinte à l’acrylique sur toile, l’artiste du Nunatsiavut représente le lichen au plus près, lui conférant des airs de toundra photographiée par satellite. 

Jessica Winters (1996-), Lichen (Hopedale 1), 2023, MBAM, achat, fonds de la famille Paradis à la mémoire de Claude Paradis. Photo : Jean-François Brière, MBAM

Les déplacements des êtres humains et des machines tracent d’étranges lignes dans la neige. Des balises se forment alors dans un paysage au blanc immaculé, représentées ici par l’artiste dans une impression à jet d’encre. 

Eldred Allen (1978-), Soutien, 2021. MBAM, achat, fonds commémoratif William Brymner. Photo : MBAM

« Qu’est-qu’un nom ? Les noms ont l’immense pouvoir de nous unir à nos familles. Passées, présentes et futures. » Sur cette gravure, l’artiste Nunavummiut représente le patronyme, non seulement comme héritage mais aussi comme inscription dans une lignée familiale, communautaire et culturelle. 

Françoise Oklaga (1924-1991), Donner aux enfants le nom de la grand-mère, 1986. MBAM, don de Moira Swinton et Bernard Léveillé à la mémoire de George Swinton. Public Trustee of Nunavut, succession Françoise Oklaga. Photo : Jean-François Brière, MBAM

Les dessins et estampes font partie intégrante de l’art inuit. Les gravures issus de Cape Dorset notamment ont fait le tour du monde, permettant au public de découvrir des chefs-d’œuvre, à l’image de la célèbre La chouette enchantée de Kenojuak Ashevak . Ici, l’œuvre revient aux origines dans une composition exécutée avec une infinie délicatesse par l’artiste Qavavau Manumie.

Qavavau Manumie (1958-), Sans titre, 1996-1997, MBAM, achat, fonds commémoratif Joy Sedgewick Shannon. Photo : Jean-François Brière, MBAM

L’artiste Nunavimmiut Niap représente ici les kakiniit, traditionnels tatouages portées généralement par les femmes inuit. Dans cette œuvre, peinte à l’aquarelle et à l’encre, les tatouages sont brodés au fil, comme pour accentuer ce trait identitaire ancrée dans la tradition et la communauté. 

Niap (1986-), La beauté dans nos traits, 2019. MBAM achat, legs Serge Desroches. Photo : Christine Guest, MBAM

Sur ce vase en argile, l’artiste a représenté sa famille. Chaque visage, imprimé avec le pouce, possède une expression différente. Ce portrait de famille exécuté sur un élément malléable issu de la terre est tout un symbole du lien qui unit l’artiste à la fois à sa famille mais aussi à la terre. 

Gayle Uyagaqi Kabloona (1986-), Ilakka (Ma famille élargie), 2023. MBAM, achat, Bourses Frothingham. Photo : Jean-François Brière, MBAM

Cette œuvre, exécutée par l’artiste inuk, Couzyn van Heuvelen, a une allure moderne et pourtant, il représente un objet aux origines millénaires, le qulliq. A l’origine, cette lampe à huile, devenue symbolique de la culture inuit, était creusée dans de la stéatite. L’artiste a choisi de la sculpter dans du verre, exécutant ici la première œuvre à être entrée dans la collection du musée. 

Couzyn van Heuvelen (1987-), Qulliq, 2024, verre. MBAM, achat fonds de la Campagne du Musée 1988-1993. Photo : Jean-François Brière, MBAM

On l’oublie souvent mais le vêtement est loin d’être anodin. Il peut véhiculer une symbolique forte à l’image de cette œuvre de l’artiste Siku Allooloo. Les coutures, aussi résistantes que bienveillantes, protègent la personne qui le porte mais aussi le savoir, transmis de génération en génération, qui a permis la confection du vêtement. 

Siku Allooloo (1986-), Sapajuji (Protection), 2021, MBAM, achat, fonds Marie-Solanges Apollon. Photo : Frank Piccolo, avec l’aimable autorisation de l’Art Windsor-Essex.

Pièce centrale de l’exposition, cette œuvre de Mattiusi Iyaituk est symbolique à plus d’un titre. Le mère de l’artiste était aveugle. Dans ses récits, elle évoquait souvent les sirènes. Son fils a alors réalisé cette œuvre en greffant sur une moto un visage, représentant une sirène, assorti de bois de caribous et de panneaux de signalisation.

Mattiusi Iyaituk (1950-), Étienne Guay, Iqualuullamiluuq (première sirène) pouvant manœuvrer sur terre (side-car), 2016. ᐊᕙᑕᖅ ᐱᐅᓯᑐᖃᓕᕆᕕᒃ, collection de l’Institut culturel Avataq. Avataq Cultural Institute. Photo : Marie-Christine Couture, 2018

Ancêtre, Sans titre (Enfant regardant sa mère découper un poisson), 1950. MBAM, achat, legs William Gilman Cheney. Photo : Jean-François Brière, MBAM

Lucassie Echalook (1942-), Sans titre (Quatre femmes recouvrant un kayak d’une peau de phoque), vers 1973. MBAM, don de Rothmans, Benson & Hedges Inc. Photo : Christine Guest, MBAM

Ennutsiak (1896-1967), Sans titre (Femmes préparant de la nourriture), milieu des années 1960. MBAM, don du Museum of Inuit Art, Toronto. Photo : Christine Guest, MBAM

Pour en savoir plus : https://www.mbam.qc.ca/fr/uummaqutik/

Mirjana Binggeli, Polar Journal AG

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