Parler de nanuk, les récits inuit sur les ours polaires

par Mirjana Binggeli
02/27/2025

Alors que l’on célèbre aujourd’hui la Journée internationale de l’ours polaire, Polar Journal AG vous invite à découvrir Nanuk Narratives, une série documentaire en ligne qui met en lumière le lien entre Inuit et ours polaires.

Nanuk, nanuq, nanoq. Quel que soit le dialecte, le terme renvoie toujours à sa majesté, l’ours polaire. Photo : Nanuk Narratives

Lancée en décembre dernier, une série documentaire disponible en ligne examine la relation qui unit les Inuit aux ours polaires. Réalisés par des Inuit, ces Nanuk Narratives offrent, sous forme de vidéos, des témoignages précieux directement issus de ceux qui cohabitent avec les ours polaires depuis des millénaires.  

Démarré en 2021, le projet a réuni un groupe de travail interdisciplinaire constitué de membres de conseils de cogestion inuit, de communautés locales, du gouvernement et des institutions universitaires. Le but, donner une voix aux Inuit dans la question de la gestion des ours polaires tout en promouvant le savoir et les connaissances inuit sur la faune arctique. 

Et le résultat est remarquable. Nanuk Narratives offre une série de courtes vidéos qui aborde une multitude de thèmes et de points de vue. Artistes, chasseurs d’ours polaires, aînés, cuisiniers et jeunes relatent leur expérience et leur connaissance de l’ours tout en évoquant le lien, souvent étroit, qui unit les Inuit et la sous-population de ‘nanuk’ du détroit de Davis. Situé entre le Groenland et l’île de Baffin du Nunavut canadien, le détroit abrite environ 2 000 ours polaires qui sont au contact des habitants de la région du Groenland, du Nunavut, du Nunavik et du Nunatsiavut. 

De quoi générer une véritable manne d’informations. Il faut dire que les Inuit sont aux premières loges pour observer les changements qui s’opèrent en Arctique et leurs conséquences sur la faune. Des observations et une expertise qui pourraient bien compléter les connaissances acquises par la science et vice versa. « Ils savent ce que nous ne savons pas et nous savons ce qu’ils ne savent pas », dit Sammy Unatweenuk du Nunavik qui aimerait bien voir les scientifiques travailler avec les Inuit. 

Nanuk Narratives propose actuellement vingt vidéos en format court. Vidéo : Nanuk Narratives / YouTube

Car si les Inuit en savent autant sur les ours polaires, c’est grâce à leur proximité avec l’espèce. Une proximité qui a tissé un lien profond au cours de siècles d’une cohabitation étroite. De quoi jeter les bases d’une relation qui n’est toutefois pas seulement basée sur la chasse, une chasse qui d’ailleurs peut se faire dans les deux sens :   « Parfois les Inuit chassent nanoq et parfois nanoq chasse les Inuit » relève Ikimaliq Pikilak. Cette artiste, réalisatrice et détentrice de savoir vit à Nuuk au Groenland. Dans son témoignage, elle explique ce que les ours polaires représentent pour les Inuit et la connexion qui les lie. « Pendant des millénaires, les Inuit ont observé les techniques de chasse de nanoq, ses aptitudes à survivre sur terre et à naviguer dans la glace lors de la chasse au phoque. »

Un lien qui se retrouve également dans la culture et la spiritualité inuit où l’ours polaire joue un rôle important. Il est ainsi celui qui permet à un Inuk de devenir angakkoq, soit un chaman. L’ours est aussi celui qui peut guérir les malades en dévorant les mauvais esprits qui les tourmentent, permettant ainsi la guérison. 

Admiré pour sa puissance et son habileté à la chasse, l’ours polaire est aussi gage de nourriture et de vêtements. Nanuk Narratives aborde également cet aspect avec deux vidéos sur la manière de cuisiner la viande d’ours et d’utiliser sa fourrure, apportant ainsi un véritable éclairage sur la signification culturelle liée à la consommation et à l’utilisation de l’animal.

Face à un Arctique qui fond, l’ours polaire est confronté à des changements qui affectent particulièrement ce chasseur ultra spécialisé. Si la glace de mer vient à se former trop tard, l’ours devra trouver de nouvelles stratégies et ressources pour se nourrir. Une adaptation que les Inuit peuvent constater presque de manière quotidienne, l’ours faisant partie de leur vie. Photo : Nanuk Narratives

La force de Nanuk Narratives est d’offrir une variété de sujets autour de l’ours polaire. Les aspects culturels y sont autant traités que les questions liées à la sécurité (‘How to be safe around polar bears’) ou au changement de comportement des ours dans un Arctique en plein bouleversement. Comme pour ces ours polaires qui se sont mis à pêcher l’omble : « Ils attendent comme un grizzly », relate Sammy Unatweenuk. « Ils attrapent des poissons et les mettent de côté pour les utiliser plus tard. C’est ce à quoi nous assistons en ce moment. »

Disponible en anglais et en inuktitut, le site de Nanuk Narratives offre également un cours en ligne destiné à explorer le savoir et les expériences inuit sur l’ours polaire. Se basant sur la sous-population d’ours polaires du détroit de Davis, le cours explore cinq thèmes-clés, de l’approche inuit de la faune sauvage à la cogestion de l’ours en passant par son observation, son utilisation et la sécurité dans les rencontres avec l’animal. Didactique et interactif, le cours est gratuit et ouvert à toutes et à tous moyennant inscription. 

Et l’aventure ne devrait pas s’arrêter là pour Nanuk Narratives puisque le site encourage à partager son histoire. Observation, expérience, souvenir ou sentiment relatif aux ours polaires, la plateforme reste ouverte à de nouveaux témoignages. De quoi encourager le partage de connaissances qui tirent leur origine d’une cohabitation millénaire et s’ancrent dans une relation profonde et durable. 

A découvrir sur le site Nanuk Narratives : https://www.nanuknarratives.com

Mirjana Binggeli, Polar Journal AG

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